Retrouver un regard bienveillant sur soi, est-ce possible ?
Ce que je remarque très souvent avec les personnes que j’accompagne en thérapie, c’est combien elles ont un regard impitoyable sur elles-mêmes. Pour mieux le leur faire conscientiser, je l’appelle le "petit tyran intérieur". Ces pensées et réactions qui nous dominent et affectent l’estime de soi et la confiance en soi.
Alors comment se distancier avec ces pensées toxiques, comment se regarder avec beaucoup plus de bienveillance et de douceur ?
Ce juge intérieur qui nous tyrannise
Dans notre vécu, nous avons reçu et interprété des injonctions implicites ou explicites, surtout parentales, nous avons senti de fortes attentes sur nous, des projections, des désirs qui ont pris place en nous, à la place des nôtres. Il peut en résulter un perfectionnisme tyrannique qui place la barre bien trop haute, une obligation à être toujours dans le "faire plaisir" au détriment de nos propres désirs, un sentiment de "ce n’est jamais suffisant, je n’y arriverai jamais, je ne suis pas assez bon ou bonne comme mon parent, lui, y arrivait beaucoup mieux… ". A force de chercher la perfection, de se mettre de trop importants objectifs, de chercher à exceller en tout, nous nous rendons compte que nous ne sommes pas à la hauteur et cela mine notre regard sur nous-même. En recherchant toujours la reconnaissance dans le regard de l’autre et en y étant dépendant, (souvent encore le regard de nos parents), nous nous soumettons à ce juge impitoyable qui ne cesse de nous montrer que nous ne sommes pas ce que nous devrions être, que nous sommes décevants, que nous n’avons pas de valeur ou si peu…
Nous donnons aux autres la clé du regard que nous portons sur nous-mêmes
Puisque nous ne nous sentons pas à la hauteur, pas une assez bonne personne, nous projetons cette perception de nous-mêmes sur les autres. C’est-à-dire que nous pensons que l’autre ne nous trouve pas à la hauteur, pas assez bien, décevant. Nous lui donnons la clé du regard sur nous afin que cela colle avec notre système de pensée, de croyances.
Si je pense que je ne suis pas digne d’être aimé(e), alors je n’accepterai pas d’être aimé(e), je rejetterai cet amour parce qu’il ne correspond pas à ma croyance, à mon regard sur moi-même. Je ne l’entendrai pas, je n’y croirai pas, comme si un filtre venait se mettre entre l’autre et moi.
Si je pense que mon travail n’est jamais assez bon, suffisant, parfait, je remettrai en doute les compliments de mon manager, je ne les accepterai pas, je me dirai même qu’il veut me faire plaisir mais que ce n’est pas honnête, cela glissera comme l’eau sur les plumes du canard. Cet amour, ces compliments ne viendront donc jamais me nourrir en profondeur puisque je ne les intègre pas, je les rejette.
Comment transformer ce regard intérieur
A la question des personnes : "Et... comment je fais pour contrer ce petit tyran?", j’admets que c’est un vrai combat intérieur, c’est certain qu’il faut être vigilant et ne pas se laisser embarquer par cette dynamique néfaste ; nous pouvons déjà reprendre la main sur le cours de nos pensées. Quand le tyran se réveille, quand je prends conscience de cette petite voix, des pensées négatives sur moi-même qui viennent me décourager, me mettre en doute, je peux essayer de me distancier, d’analyser pourquoi ces pensées arrivent et comment je peux objectivement les regarder avec une autre paire de lunettes. Objectivement, est-ce que ce compliment est mensonger, hypocrite, intéressé… ou est-ce que j’ai suffisamment bien travaillé, j’ai donné le meilleur, et je suis reconnu à ma juste valeur ?
Avec un peu d’humour, il m’arrive aussi de conseiller aux personnes de se lâcher les baskets...
Parfois, nous faisons aussi des constats amers sur nos propres choix de vie, ce qui nous apparaît comme des échecs, et cela alimente notre regard négatif. Avec des questions sans fin : "Pourquoi j’ai choisi cette personne ? Pourquoi je n’ai pas réussi telles études ? Pourquoi je n’en suis que là ? Pourquoi je n’y arrive pas…".
Il est important d'entrer dans un processus de se pardonner soi-même, afin que tout ce qui nous apparaît comme nos "casseroles" pèsent sans vraiment peser. Admettre que nous ne sommes pas parfaits, que nous avons tous des talents uniques à faire fructifier, que nous pouvons faire le bilan de nos réussites et nous regarder avec bienveillance, comme nous regarderions un ami proche, avec l’envie de lui dire : "tu es une bonne personne, tu es importante, tu as de la valeur".