PSYCHOPRATICIENNE - Psychothérapie individuelle pour adultes & adolescents
Membre adhérente du Syndicat National des Praticiens en Psychothérapie relationnelle et psychanalyse

L’homme dans sa conquête de la masculinité


Père et fils, conquête de la masculinité

"L’homme quittera maman et s’identifiera à papa"… Cela peut faire sourire, pourtant c’est l’une des conditions essentielles pour que l’homme puisse conquérir son identité masculine et s’accomplir pleinement dans sa vie, ses relations amicales et amoureuses, sa paternité qu'elle soit biologique ou plus symbolique et élargie. Beaucoup d’hommes sont en mal de masculinité, même s’ils apparaissent virils de l’extérieur, ils peuvent se sentir tout à fait à côté de leur identité à l’intérieur, comme ne faisant pas complètement partie du clan masculin. Parfois immatures ou bloqués dans leur avancement, souvent mal à l’aise dans leur contact aux hommes et aux femmes, ils peuvent manquer d’affirmation et de confiance en eux.

La relation du fils à sa mère dans son processus d’individuation

Le sujet de la conquête de l’identité masculine est vaste et prend en compte de nombreux facteurs personnels et environnementaux (histoire de vie de l’homme et surtout son enfance, événements traumatisants, famille plus ou moins dysfonctionnelle, éducation, milieu social, exigences ou stéréotypes de la société…).

Mais revenons déjà à la matrice, à la relation d’amour avec la première femme de sa vie, sa mère. Le nourrisson est en fusion avec elle, et il aspire à rester dans cette relation symbiotique où tous ses besoins sont couverts, dans une certaine toute-puissance, où elle est tout pour lui et il est tout pour elle.

Heureusement, le père (ou la figure paternelle) se positionne en séparateur de ce couple, rôle essentiel pour libérer l’enfant mais aussi la mère de cette fusion qui, si elle perdure trop, devient toxique. Il va permettre au petit garçon, non seulement de sortir de la matrice, de vivre au fur et à mesure son autonomie, d’aspirer à partir à l’aventure masculine, dans cette ouverture sur le monde, et surtout de s’attacher et s’identifier à un modèle dont il a besoin pour croître et s’affermir dans sa masculinité.

Parce que pour grandir et se construire sainement, le petit garçon doit surmonter 2 séparations indispensables : séparer son identité de celle de sa mère pour s’individualiser en tant que personne à part entière puis séparer son identité de genre de celle de sa mère (il est un garçon, pas une fille comme maman). Cela advient quand le père et la mère en ont le désir (et que ce ne soit pas bloqué inconsciemment), favorisent son autonomisation et approuvent leur garçon dans sa masculinité. Ils restent à leur place en jouant chacun leur rôle. Or, des difficultés peuvent s’infiltrer et causer des dégâts parfois difficiles et bloquants.

Pourquoi l’homme peut-il se sentir en mal de masculinité ?

Si cette croissance, dans la perspective de devenir un homme, est gênée (nous allons voir quelques causes qui peuvent bloquer cette évolution naturelle), l’enfant puis l’adolescent ne se sentant pas assez reconnu mais rejeté par le masculin ou différent et inférieur par rapport aux autres garçons, peut prendre une position de repli et s’isoler dans un monde imaginaire et de fantasmes. En fait, il ne trouve pas le moyen d’accéder petit à petit au monde masculin qu’il craindra autant qu’il le désirera de manière parfois non saine. Il aura souvent des difficultés à s’inscrire dans le réel de la vie par des choix assumés, des engagements, il souffrira d’immaturité, de sentiments de honte et recherchera des compensations (addictions notamment) à cette difficulté d’exister en tant qu’homme.

Souvent ces difficultés sont favorisées par une mère envahissante qui reporte toute son affection et son besoin de se sentir aimée sur son fils, face à un père distant physiquement et/ou émotionnellement ou très critique et dur envers son fils. Ce cocktail empêche généralement l’attachement du fils au père, à cause de cette intimité déplacée d’avec la mère, et à cause du père qui ne tient pas son rôle ou en est empêché. Cela donnera au fils une vision négative de l’homme, un détachement envers le père et le masculin en général et un attachement insécure à la mère. Il éprouvera souvent le désir de la protéger, de lui faire plaisir démesurément, de la combler affectivement, jusqu’à parfois s’identifier à elle sans pouvoir s’en détacher psychiquement. L’homme aura donc du mal à s’installer dans sa masculinité sereinement, et parfois il vivra avec culpabilité ou loyauté vis à vis de sa mère (elle restera inconsciemment la femme de sa vie).

Dans ces conditions, on se doute que la perception de La femme sera souvent négative, suscitant une peur inconsciente d’être envahi, possédé par elle, et donc un rejet pour ne pas risquer de revivre cette fusion dévastatrice et angoissante.

Le rôle du père et des pairs dans la construction de l’homme

Le père, surtout au début, et l’environnement masculin sont essentiels à tous les stades de croissance du garçon. Ils vont favoriser son ouverture sur le monde, lui permettre de sortir de son fantasme de toute-puissance et de fusion avec la mère (la castration symbolique, l’interdit de l’inceste), de se réassurer quant à ses capacités masculines et d’affirmation de soi, de développer plus tard les qualités inhérentes au masculin : courage, force, responsabilité personnelle, honnêteté, don de soi…

Le père doit vite prendre le relais de la mère auprès de son fils, pour que ce dernier puisse se détacher suffisamment d’elle et s’attacher à lui pour être propulsé dans le monde masculin sainement et avec envie. Ainsi le fils gèrera beaucoup plus facilement la perte de l’attachement avec sa mère, d’autant plus s’il sent que la mère l’y pousse et ne s’accroche pas démesurément et il évoluera avec un sentiment intérieur de reconnaissance et d’approbation pour lui-même en tant que garçon.

Si tout est bien en place, le père sera également un modèle pour le fils dans sa perception du féminin. La relation à la femme à la manière d’un homme s’apprend au début en observant le père avec la mère. S’il n’est pas à l’aise avec sa femme et les femmes (c'est-à-dire en retrait, en rejet, en soumission, en domination…), son garçon ne découvrira pas une manière juste et sans appréhension de se situer par rapport au féminin. Si le père a bien intégré sa part féminine en lui-même, qu’il est à l’aise avec le monde féminin et a déployé les qualités inhérentes en lui (patience, écoute, intuition, ouverture à l’autre…), qu’il accepte son affectivité et ses émotions, alors c’est gagné, le fils sera sur de bons rails pour piloter sa vie d'homme dans toutes ses dimensions.

A défaut d’un tel environnement familial et relationnel équilibré, qui peut paraître idéal et inatteignable, le travail en psychothérapie peut être un moyen pour reprendre le processus d’évolution et d’existence au masculin, travailler la perception des hommes et des femmes souvent faussée, enclencher les deuils nécessaires par rapport au monde de l’enfance, dépasser les sentiments négatifs perçus par le garçon dans l'enfance (honte, dépréciation, infériorité, rejet, abandon…), vivre le détachement symbolique avec l’image maternelle intérieure négative, s’apaiser face au père et si c’est encore possible, reprendre et améliorer cette relation. 

 

Sources : Masculin en crise – Laurent Perru


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