Le couple et son cocktail indésirable "séduction - compassion"
En couple, nous expérimentons l’intimité, la vulnérabilité, la complémentarité, la connaissance relativement profonde de l'autre… Cet autre, en face de nous, est un véritable miroir qui nous montre, plus ou moins consciemment, où sont encore présentes nos blessures d’enfance non cicatrisées. Il est aussi une occasion de grandir et d’évoluer et permet une expérience de vie passionnante. Je vais développer deux écueils dans lesquels nous pouvons facilement tomber quand nous sommes en couple ou quand nous cherchons à rencontrer quelqu’un. S'ils sont notre unique moteur dans cette interaction avec l'autre, ils ne peuvent pas conduire à un amour équilibré, sain, dynamisant pour les deux partenaires. Il s’agit de la séduction et de la compassion.
Quand la séduction vise à accaparer l’autre
La séduction fait partie du jeu, surtout au début d’une relation. Elle vise à capter l’attention de l’autre et selon les objectifs divers et variés, elle est utilisée assez naturellement pour plaire, se sentir appréciés, voire amener l’autre à une relation sexuelle. Elle est définie par : "une action, le fait de séduire quelqu'un, de l'attirer irrésistiblement, de le charmer par un pouvoir plus ou moins indéfinissable". Elle est très incarnée quand nous sommes face à quelqu’un que nous voulons attirer à nous, mais elle existe également de manière désincarnée à travers les sites de rencontres par exemple. Ces lieux virtuels où chaque profil met en avant le plus plaisant de soi, les photos les plus valorisantes, la meilleure accroche, pour essayer de capter des "like ou des matchs". Et si la finalité est bien de former un couple, certaines personnes sont sur ces sites pour avant tout séduire et se rassurer sur leur sex-appeal et non pas en vue d'une vraie rencontre et pour apprendre à connaître l’autre gratuitement, sans désir de captation…
Même une fois la relation lancée, nous utilisons souvent la séduction à l’intérieur du couple pour tenir l’autre, le maîtriser ou raviver la flamme quand on craint qu’il nous quitte ou qu’il trouve mieux ailleurs. Cela peut servir aussi pour obtenir quelque chose que l’on désire contre sa volonté, ou parfois pour susciter une crise et s’auto-rassurer… En séduisant en dehors du couple, on souhaite rendre l’autre jaloux, en déclenchant chez lui une souffrance pour être sûr d’être aimé de lui. La séduction est en cela un moyen d'emprise sur l’autre.
Aimer l’autre, ce n’est pas vouloir le posséder, le maîtriser ni le garder pour toute une vie bien à côté de soi. Aimer vraiment, et c’est un cheminement de toute une vie, c’est, il me semble, l'accepter tel qu'il est, consentir au risque de le perdre, parce que l’autre est libre. C’est renoncer à l’avoir mais être heureux d’être avec lui. L’aimer pour ce qu’il est, sans lui demander l’impossible de combler le manque affectif que nous connaissons tous.
Quand la compassion est le terreau du couple
La compassion est un "sentiment par lequel un individu est porté à percevoir ou ressentir la souffrance d’autrui et poussé à y remédier par amour, morale ou éthique". C'est une qualité réelle que d'être compatissant envers l'autre, mais si elle est le seul moteur de la relation, elle ne permettra pas une relation d'égal à égal. Le "sauveur en puissance" voudra mettre la main sur celui qu'il considère à sauver. Il est toujours utile de se questionner sur nos motivations profondes à désirer ou à vivre avec telle ou telle personne. Dans beaucoup de relations, le sauvetage n’est jamais très loin, nous nous plaçons dans la compassion vis-à-vis de l'autre, surtout s'il recherche à être sauvé.
Si c’est pour tenter coûte que coûte de le sauver parce qu’il s’auto-détruit ou que sa vie est très difficile, si c’est pour aider et se rendre indispensable en attendant en retour plus ou moins inconsciemment la même chose pour soi, si c’est par pitié que l’on ne peut ou veut pas laisser l’autre vivre sa vie, faire ses propres choix… c’est alors la compassion qui motive et dirige le couple et non l'amour et la liberté de chacun.
Une personne venue en consultation avait choisi par compassion son partenaire qui sombrait dans l’auto-destruction. Elle s'était engagée à ses côtés parce qu’elle pensait être la condition de survie de son compagnon, elle se sentait toute-puissante, comme si elle était la seule à pouvoir l’aider, l’apaiser, le consoler, lui donner une raison de vivre... Le chemin de thérapie lui a ouvert les yeux et permis de comprendre qu’en essayant de sauver cet homme, elle tentait de se sauver elle-même de ses propres blessures d’enfance, quand personne ne l’avait aidée à les traverser. En aidant l’autre, et en l’aimant par compassion, elle lui apportait ce que personne n’a su lui apporter, enfant, et inconsciemment, elle espérait que cela la réparerait, elle aussi.
Il faut être libre pour aimer et laisser l'autre libre de nous aimer. Maintenir l’autre sous notre dépendance, en l’aimant par compassion, ce n’est ni bon pour lui, ni bon pour soi-même.
Conclusion...
Le couple est un vrai laboratoire expérimental pour les humains que nous sommes. Il nous faut parfois travailler sur nous-même pour évacuer les mécanismes qui nous empêchent d’aimer librement. Derrière la séduction et la compassion, il y a un désir de posséder et d’utiliser l’autre pour nous rassurer. C’est donc toujours tourné vers soi, vers l’ego qui souffre ; or, l’amour a vocation à être donné et reçu gratuitement et tend à renoncer aux attentes imaginaires et insatiables de chacun.