C’est l’histoire d’une femme forte et solide, en apparence, dans le sur-contrôle vis-à-vis d’elle-même et des autres. Elle connaît des difficultés à rencontrer la bonne personne, à vivre l’intimité et montre d’ailleurs très peu ses émotions, mettant une barrière de protection tout autour d’elle, telle une carapace pour se sentir bien à l’abri. C’est parce qu’au fond, l’intimité, se dévoiler, c’est dangereux, et force est de constater que ça l’est pour beaucoup d’entre nous, parce que "nus", nous sommes vulnérables, l’autre peut venir nous toucher, nous blesser, nous cerner et prendre conscience de nos faiblesses et nos défauts…
La famille influence notre positionnement et nos relations futures
Dans sa famille, très peu de bienveillance existe entre frères et sœurs, la mère peu chaleureuse entretient ce climat "hostile" en comparant sans cesse ses enfants. Alors, dans cet environnement, comment trouver sa place, son individualité, comment exister pour et par soi-même ? Entre sœurs, où compétition et jalousie sont présentes, comment développer ensuite des amitiés féminines sans rivalité ni méfiance ? Chez eux, on ne parle pas du bonheur de chacun, tout est banalisé. Ce n’est pas simple de se connecter à soi et à ses désirs, quand c’est implicitement interdit en famille, qu’on ne doit pas s’écouter. L’intimité est pour eux signe de faiblesse. Elle a toujours eu le sentiment de ne pas être reconnue, et c’est bien légitimement, qu’elle a tourné cette attente de reconnaissance dans ses relations affectives, pour tenter de réparer la blessure. Inconsciemment, elle se dit : si mes parents n’ont pas pu me reconnaître en tant que fille unique et digne d’être aimée, je chercherai ailleurs cette reconnaissance et cet amour inconditionnel et un homme y pourvoira. Je le conquerrai et je serai enfin heureuse… Puisqu’elle attend que l’homme la comble, elle a bien du mal à se connecter à ses propres désirs, ses plaisirs, et penser à elle-même, se trouver des activités qui lui plaisent, s’autoriser à prendre soin d’elle, à faire des choses pour elle-même. Toute seule, elle se sent vide, perdue.
L’homme idéal qui réparerait tout…
Cela n’est pas aussi simple... Se montrer authentique, tel que l’on est, c’est potentiellement dangereux, d’ailleurs elle a peur de perdre le contrôle, d’être trop dépendante et risquer d’être abandonnée… d’où sa carapace de femme de caractère, indépendante, ne se laissant pas approcher facilement… carapace fortifiée par les croyances maternelles qui lui ont été transmises : non seulement la femme doit être forte mais les hommes sont dangereux. Un paradoxe pour elle : trouver l’homme qui la comblera tout en se méfiant des hommes en général… Comment s'ouvrir à son intimité quand on n’a jamais eu de mode d'emploi ?
Elle est souvent quittée, ou se met en quête d’hommes indisponibles, attire à elle des hommes qui la craignent, n’osant pas l’approcher. Elle a pu vivre avec des hommes immatures, maîtrisant ainsi la relation et les maternant. Comme le dit Moussa Nabati, la femme peut jouer les deux rôles pour son amant : développer son côté maternant à l’excès comme bonne mère réconfortante et la petite fille aspirant à la tendresse et la reconnaissance comme récompense en échange. Il y voit une confusion entre "maman" et "amant".
Un homme plus affirmé et qu’elle admire lui fait peur mais l’attire davantage ; mais alors elle se soumet, s’efface, ne se livre pas. Elle ne prend pas le risque de séduire un homme parce qu’en cas de réponse négative, c’est vécu comme une remise en question personnelle. Elle vise des relations impossibles pour se prouver qu’elle vaut le coup si elle y arrive. Elle pose de plus en plus d’exigences et de critères laissant finalement peu de place à l’homme tel qu’il est. Elle est donc toujours dans l’insatisfaction ayant le sentiment d’avoir plus donné que reçu.
Une vraie relation d’amour
Moussa Nabati repère deux types de relations, une union adulte où les deux personnes sont portées par "le désir gratuit d’échanger physiquement et psychologiquement, dans un contexte d’alliance et respect des différences, à distance des émotions extrêmes. Chacun est capable d’exister seul, sans dépendance parasitaire et s’ouvre à l’autre, en acceptant de donner et recevoir". Et le lien boiteux qui se fonde sur "le besoin vital de se sentir, grâce à l’autre, aimé, vivant, utile et reconnu. Destiné à compenser un manque affectif, boucher un trou identitaire, exorciser la crainte de se retrouver inutile et abandonné".
Elle pourrait travailler en thérapie le lâcher-prise quant à soi-même, la confiance en soi, l’autorisation à se faire plaisir, accepter les compliments sans gêne, retrouver son individualité et sa place, développer l’intimité dans le couple, exprimer ses besoins et ses désirs, ne plus être en attente d’être réparée mais s’occuper d’elle-même. Il s’agirait aussi de faire le deuil de la mère idéale (pour éviter de la rechercher inconsciemment en l’autre), et de voyager dans les restes de désirs infantiles pour, en adulte, arriver à aimer l’autre tel qu’il est et se laisser aimer.
Source : Guérir son enfant intérieur - Moussa Nabati