Le transfert, mieux le comprendre pour nous libérer
Nous connaissons la notion de transfert en psychothérapie, ce processus au cours duquel des sentiments ou désirs inconscients envers les premiers objets investis par le patient (ses parents le plus souvent, mais aussi les personnes qui ont compté dans sa vie), sont reportés sur le thérapeute. Cela permet de les revivre autrement, de les comprendre et d’évoluer. Mais sans faire d’analyse, nous pouvons déjà réfléchir sur nous-mêmes grâce à nos interactions avec les personnes qui nous sont proches et sur lesquelles nous transférons inconsciemment.
Quand sommes-nous dans un transfert ?
La personne qui transfère, réagit vis à vis de son interlocuteur, comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre (habituellement un parent). Sa réaction est souvent inappropriée et disproportionnée par rapport au contexte, à la situation, à l'interlocuteur, mais elle ne le conscientise pas ou difficilement. Ces réactions excessives se répètent souvent, dans plusieurs des relations importantes de sa vie. Prenons un exemple, dans nos relations amoureuses ou amicales, nous pouvons facilement nous sentir totalement abandonné ou trahi par notre partenaire, meilleur(e) ami(e), lorsqu’il ou elle s’absente trop, n’est pas assez présent(e) pour nous, ni démonstratif(ve)…, alors qu’inconsciemment, et à travers eux, nous revivons le ressenti d’abandon ou de trahison vis à vis d’un parent qui n’était pas assez présent ou démonstratif avec nous. Autre exemple, une personne peut se sentir complètement bloquée et angoissée à la vue de son patron et lorsqu’elle doit s’adresser à lui, parce qu’il représente symboliquement son père dur, exigeant, qui l’effrayait lorsqu’elle était petite et qu’elle revit au contact du patron toutes les émotions de son enfance attachées à son père…
Nos relations sont une aide à notre évolution personnelle
Nous ne choisissons pas nos relations par hasard. Il est intéressant de nous interroger et creuser plus loin quand nous vivons nos relations dans un affect négatif, très émotionnel, où amour/haine se bousculent, où nos attentes et exigences sont excessives, où nous ressentons un manque affectif important… Comme nous sommes attirés par le connu, même si celui-ci nous fait souffrir, nous cherchons à revivre en quelque sorte nos expériences douloureuses avec nos parents en particulier (manques, frustrations, besoin de reconnaissance, abandon, rejet, honte…) pour essayer de les dépasser et ne plus en souffrir, pour nous réparer, pour tenter de gagner enfin l’amour, la reconnaissance, l’attention… dont nous avons manqué. Comme l’exprime Michelle Larivey : "Nous réussissons parfois à influencer l’attitude ou le comportement de notre interlocuteur à notre égard. Nous le provoquons sans relâche pour qu’il agisse comme nous en avons besoin pour recréer la situation initiale qu’il nous faut résoudre. Convaincu que la solution réside dans un changement chez l’autre, nous attendons sa transformation, et nous voulons la provoquer par des blâmes, pressions, demandes, punitions plus ou moins subtiles, en réaction à nos frustrations".
Revenir à soi et ses besoins pour sortir des transferts
La personne attend passivement d’être comblée ou exerce des pressions pour obtenir satisfaction, sans jamais dévoiler son besoin réel. De rupture en rupture, elle cherche à être comblée, mais passe de relations en relations identiques qui mènent à l’impasse. Elle donne à l’autre la responsabilité de combler son besoin. Michelle Larivey donne deux axes pour en sortir : "Renoncer à faire changer l’autre et prendre en charge et assumer notre propre besoin affectif". Il s’agit d’exprimer au plus près nos besoins, aspirations, émotions… et prendre l’initiative de faire ce qu’il faut pour les combler (s’exprimer, agir comme nous le souhaitons) tout en risquant un refus de l’autre qui reste libre devant notre besoin. Mais au moins, ce dernier est exprimé, et nous en prenons la responsabilité. Et s’il ne peut/veut répondre à notre besoin, nous pouvons nous tourner vers nous-même, vers d’autres, pour mieux le combler. Cela permet de sortir de la dépendance à l’autre. Nous pouvons nous questionner finalement sur ce que nous recherchons au fond à travers nos relations, à quoi sert la relation amoureuse, amicale que nous vivons, ce que notre partenaire ou ami(e) représente pour nous ?
Sortir des transferts, c’est devenir plus mature, plus adulte, c’est gagner en autonomie vis à vis de nos relations, c’est gagner aussi en liberté, enlever le poids et la responsabilité de notre bonheur que nous chargeons souvent sur les autres. Les autres peuvent contribuer à notre bonheur, mais n’en sont pas responsables.
Source : Le défi des relations (comment résoudre nos transferts affectifs) – Michelle Larivey